Projet réunissant Will Long et sa femme Danièle Baquet-Long, Celer est une référence pour bien des observateurs d’une certaine scène drone minimaliste et contemplative. Les deux tourtereaux furent maintes fois reconnus pour leurs objets faits à la main, sortis sur leur propre empreinte indépendante, célébrant leur amour sans faille tout autant que Dame Nature. Seulement voilà, Danièle est morte en juillet 2009 des conséquences d’une anomalie cardiaque. Si Wil tente de maintenir le projet vivant, Celer a perdu la moitié de son âme. Il reste pourtant à Wil une somme très importante d’enregistrements exclusifs en attente de sortie, issus de l’époque passionnée. D’autres releases, sold out depuis longtemps, revoient le jour chez des labels bien assis ou chez des petits nouveaux tout aussi passionnés. C’est la cas du label Dronarivm, propriété du moscovite Dmitry Taldykin, qui ré-édite ce Rags Of Contentment, déjà sorti sur cassette en 2010 chez le label Digitalis Limited.

Pour un label naissant, sortir (ré-éditer pour le coup) un album de Celer n’est pas forcément un fait d’armes des plus original. Ou alors, il faut que l’album en question soit un indispensable. Si on s’accorde sur le fait que l’objectivité est une gageure sans nom, c’est sans doute encore plus vrai pour la musique de Celer, qui parle autant aux oreilles qu à l’âme et à l’épiderme. Chacun détient donc sa vérité sur ce qui serait leur meilleur album. La tonalité générale de leur musique est certes descriptible, mais c’est nettement plus ardu dans l’individualisation des oeuvres. Que chacun plonge le coeur grand ouvert dans leurs réalisations, pour se faire une idée personnelle. Tout en sachant qu’encore aujourd’hui, pléthore de designers sonores peinent à comprendre comment le duo a pu retranscrire autant avec si peu.

Rags Of Contentment, ou 70 minutes d’eaux limpides faussement stagnantes aptes à réchauffer les songes. La procédure est certes simple pour ce qui est de la superposition des drones aux textures tendres et sèches. Mais il y a ce grain, ce son dont on ne saurait être pleinement sûr de l’origine. Cette totale impression de paix, d’évidence et de plénitude dans la complémentarité des lignes. Dans leur trajectoires parallèles comme dans leurs subtils sursauts. Comme quand la basse fréquence vient envelopper l’ensemble pour mieux faire vibrer la corde sensible de Pleased To Be In A State Of Sour Resplendency. Certains musiciens érigent des temples à l’héro pour glorifier leur dark side. Celer, ont bâti à partir de leur amour passionné, une cathédrale musicale qui résonne comme un orgue céleste dans le coeur des mortels qui savent encore s’émouvoir.

Et il y a cette maîtrise dans la manipulation des volumes, qui fait de chaque strate une bouffée d’air pur. Cette désarmante habileté à illustrer des points d’horizons fixes, alors qu’à l’intérieur, chaque vibration fait son office. Dévaste, autant qu’elle apaise. Si Things Gone And Still Here fera le pari de matières plus en collision, c’est sans doute pour mieux souligner tout l’aspect littéralement fusionnel de cette musique et de ceux qui l’ont composé. Avec de tels enregistrements, Celer ont gravé sur gllasmaster des instants feutrés, intimistes et touchés par la grâce. L’autre demeure un miroir même quand la glace se brise.

Merveilleuse pour certains, définitivement chiante pour d’autres, la musique du duo se doit d’être écoutée avec un matériel au niveau. Je ne saurais dire si cet album de Celer est un indispensable. C’est en tous cas un de ceux qui m’a le plus touché. Je vous épargnerais donc une notation encore plus dénuée de sens que d’habitude. Dronarivm crée de belles enveloppes pour accueillir leurs écrins musicaux. Un album de Listening Mirror est déjà disponible. La naissance de ce label est donc une nouvelle tout à fait remarquable.

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