Alors que la défunte Danielle Baquet-Long flotte peut-être dans un autre monde, sa musique continue à nous parvenir comme un signal extra-terrestre, toujours plus ténu et lointain. Jusqu’ici secret bien gardé, ses travaux personnels ont été et continuent d’être précautionneusement exhumés par son mari Will Long, avec qui elle formait le duo d’ambiant-music Celer. Los Que No Son Gentos est le troisième album de la jeune femme à être publié depuis sa disparition en 2010 et il s’avère particulièrement stupéfiant.

On y entend des rumeurs plus que des sons, qui propagent dans l’air des complaintes spectrales et translucides mutant sans cesse au-delà de l’état de matière. Chaque sonorité donne l’impression d’avoir été éprouvée par un long voyage dans l’espace. Qu’elles proviennent de synthétiseurs ou d’orgues lointains, de voix réverbérées ou de grondements, nous ne sommes déjà plus en mesure de l’attester. Le signal s’est comme désagrégé en nous parvenant d’aussi loin. Aussi glaçant que cela puisse paraître, Los Que No Son Gentos est un album sans réelles mélodies, sans forme, sans début ni milieu, ni fin. Il nous échappe sans cesse, de par son immatérialité même. Comme la planète océan de Solaris, il laisse chez qui l’a contemplée une sensation de silence, d’abandon et d’étrangeté.

Difficilement descriptible, la musique de Los Que No Son Gentos évoque les confins de l’Univers, ces sphères lointaines où des objets solitaires et à jamais sans vie planent dans un calme absolu. Disons le clairement : la musique de l’Américaine est littéralement habitée par une conscience perçante de la proximité de la mort et de la puissance insoupçonnée de l’imagination. Avoir su retranscrire de telles émotions par la musique, et avec une telle acuité, relève bien du miracle que l’on appelle art.

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