Aujourd’hui je me suis allongé sur le lac. Vous savez, ce lac. Cherchez, vous le connaissez.
(Ils ne voyaient pas de quel lac je parlais…) Pourtant j’y vais, souvent, trop souvent. J’aime à y noyer mes pensées. Et en flottant sur cette eau claire qui reflète le ciel, j’ai beau me dire que toute cette pression que les gens me mettent, toutes ces mauvaises choses qu’ils ont en tête ne sont que… (Les flots se creusaient sous moi, non plus comme un lit mais comme une faille.)
J’ai commencé à m’enfoncer dans les entrailles des eaux. Mes pensées sont très rapidement devenues des réflexes nerveux, et de contemplateur je passais à “survis!” Je tentais d’agiter mes bras et mes jambes de manière synchronisée, à la manière d’une grenouille dont, j’espère, je n’avais pas l’élégance. (De l’air, de l’air !) Mes poumons se rétractaient, comme si je revivais ma naissance à l’envers. Aspiré.
Et j’ai voulu crier, sous l’eau – mais sous l’eau le son se résume à quelques bulles, en surface… Quelques frissonnements au loin, sûrement des poissons, et quelques lumières, sûrement… sûrement…
L’eau dans les poumons. J’ai respiré la moitié de la faune et de la flore par la même occasion. Je ne sais pas si vous en avez déjà fait l’expérience, mais c’est à ce moment que tout se floute. Que tout devient distant, et que cette seconde où l’on devient le lac est tellement distordue qu’elle est en fait une brève éternité.
Quoi qu’il en soit, c’est là que je me suis mit à tout voir comme à travers un prisme. Coloré, tournoyant, d’un calme oppressant. Un calme lumineux et kosmischique. En plein délire, me direz-vous, mais lors de cette noyade tout me parlait, tout… chantait. Et je me suis mis aussi à chanter, sous l’eau – enfin c’est ce que je crois. Même si j’étais face à la terre trempée, au fond, je me sentais monter dans une irrésistible quiétude. Je préfère décidément ce fond marin aux open-space. Pourtant tous les poissons me voient, ici. Moi qui n’ai pas de branchies, je devrais me sentir ridicule.
Et puis j’ai levé les yeux. Et j’ai battu des paupières. Je me souvenais de cet endroit, vu d’en haut, d’au-dessus de l’eau. Et je me suis souvenu d’elle. Enfant. Je m’étais accroché à l’arbre, en cochon pendu. Et comme moi aujourd’hui, elle avait bu l’eau. Elle en avait bue jusqu’à inonder les 35% de son corps qui n’étaient pas de l’eau. C’est un peu comme un cimetière de baleines… ici viennent se retrouver ceux qui sont perdus. Et les yeux vers leur ciel, chanter. Je m’étais toujours demandé ce qu’étaient ces interférences, à la surface des lacs.
Celer est le projet de Will Long, un artiste très productif dans la scène ambient (sous diverses formes). Et ce n’est pas parce qu’il produit beaucoup qu’il produit mal. Au contraire, il livre des heures de rêve, et d’impression de coma surréaliste… je vous invite à découvrir le travail de ce merveilleux artiste sur son site.